Adler, Jules, peintre français, né à Luxeuil (Haute-Saône) le 8 juillet 1865*, décédé à Nogent-sur-Seine (Aube) le 11 juin 1952.
Dès son enfance à Luxeuil, Jules Adler manifesta un goût précoce pour le dessin et le croquis. Cette vocation précoce le conduisit à Paris où il entra en 1882 l’École des Arts décoratifs. De 1883 à 1889, il fréquenta l’Académie Julian – dans l’atelier de William Bouguereau – où il fit la connaissance d’Édouard Vuillard. Il réussit parallèlement, en 1884, le concours d’entrée à l’École des Beaux-Arts, où il fut l’élève d’Yvon. En 1888, il débuta au Salon des Artistes Français avec une petite toile réaliste intitulée Misère qui le fit remarquer de la critique. Ses envois au Salon où il exposa sans discontinuer jusqu’en 1952 furent couronnés d’une médaille de 3e classe (1895), d’une médaille de 2e classe (1898) qui lui valut d’être hors concours, et d’une médaille d’honneur (1923).
L’œuvre de Jules Adler comporte surtout des scènes naturalistes consacrées à la rue (La Rue, 1893, Castres, musée Goya ; Soir d’été à Paris, 1901, Gray, musée Baron Martin), au monde du travail (L’Homme à la blouse, 1897, Besançon, musée des Beaux-Arts ; Les Haleurs, 1904, musée de Luxeuil) ou à la misère, avec nombre de vagabonds et de mendiants (La Soupe des pauvres, 1906, Paris, musée du Petit Palais). Durant la Grande Guerre, il fut envoyé en mission par le ministère des Beaux-Arts sur le front de Verdun, où il exécuta une masse de croquis et de dessins (1917). Du conflit, il tira aussi quelques peintures de La Mobilisation (1914, Belfort, musée d’Art et d’Histoire) à L’Armistice (1919, musée de Remiremont).
Pendant l’affaire Dreyfus, Jules Adler signa la première protestation (7e liste) de janvier 1898, la protestation en faveur de Picquart (2e liste), celle contre l’amnistie (L’Aurore, 6 janvier 1900). Mais son engagement ne se limita pas à cette pratique pétitionnaire. L’atelier parisien dans lequel il s’était installé en 1897, près de la place de la République (65, rue de Malte), devint un lieu de rencontre des dreyfusards de son entourage. C’est dans ce contexte qu’en 1899 il fit la connaissance du peintre et dessinateur Théophile-Alexandre Steinlen avec lequel il resta lié – en 1936, Adler prononcera le discours d’inauguration du monument érigé à la mémoire de Steinlen (Paris, XVIIIe, square Constantin-Pecqueur). L’engagement dreyfusard de Jules Adler s’explique par son judaïsme, mais aussi par l’admiration de l’artiste pour l’œuvre d’Émile Zola. De L’Assommoir, Adler tira en effet le sujet d’un tableau exposé au Salon de 1897 sous le titre Les Las (Avignon, musée Calvet) et s’inspirant de cette phrase de Zola : « Ils marchaient sans un rire, sans une parole dite à un camarade, les joues terreuses, la face tendue vers Paris qui, un à un, les dévorait […] ».
Enfin, au Salon de 1899, au moment le plus vif de l’Affaire, Jules Adler présenta un tableau intitulé Le Chemineau – l’œuvre fut aussitôt acquise par l’État et attribuée au musée du Luxembourg – que la critique dreyfusarde salua comme un Juif errant moderne, un apôtre de la Vérité ou un soldat de la Justice parcourant la France avec sa pelle sur l’épaule. En 1908, Jules Adler lança une souscription pour que fût érigée sur la tombe de Bernard Lazare une statue, projet qui demeurera sans suite [voir note à la fin].
Après l’Affaire, Jules Adler conçut quelques toiles consacrées aux grèves et manifestations contemporaines. Après avoir séjourné au Creusot, en 1899, lors des grèves ouvrières qui se déroulèrent chez Schneider. Au Salon de 1900, Adler présenta une grande toile (La Grève du Creusot, 1899, Le Creusot, Écomusée) montrant un cortège de grévistes où les femmes, les enfants et les vieillards se mêlent aux ouvriers. Sur un fonds d’usines, le défilé avance, ponctué de drapeaux rouges, tandis que les visages du premier plan manifestent la colère des grévistes chantant « L’Internationale ». Ce thème de la foule militante se retrouve dans une autre œuvre de Jules Adler (La Manifestation Ferrer, 1911, Genève, musée du Petit Palais). Figure majeure du mouvement anarchiste espagnol, Francisco Ferrer Guardia (1859-1909) fut tenu pour responsable des émeutes anticléricales qui avaient éclaté à Barcelone en juillet 1909. Au terme d’une parodie de procès sommairement instruit, Ferrer fut condamné à mort et fusillé le 13 octobre 1909. La nouvelle de cette injustice et de cette exécution souleva l’indignation en Europe, et tout particulièrement en France où Ferrer avait vécu quelques années plus tôt. En guise de protestation, deux manifestations furent organisées à Paris : l’une, le 13 octobre même qui dégénéra rapidement en émeute ; l’autre le 19 octobre que représenta certainement Adler dans cette œuvre. On reconnaît au premier rang de la foule des manifestants, de droite à gauche, quelques personnalités politiques de premier plan : Jean Jaurès, Édouard Vaillant, Marcel Sembat ou Arthur Groussier.
L’œuvre peint de Jules Adler fut salué d’autres récompenses, parmi lesquelles on note une médaille d’argent à l’Exposition universelle de Paris (1900), un diplôme d’honneur à l’Exposition internationale de Paris (1937) et le Prix Bonnat (1938). Il fut nommé professeur à l’École des Beaux-Arts en 1928. En 1933, sa ville natale lui consacra un musée dont il fut le premier conservateur – il l’enrichira de ses propres œuvres et de celles de ses amis ou élèves. Jules Adler mourut à la maison de retraite des artistes de Nogent-sur-Seine.
Sources et bibliographie : son dossier de la Légion d’honneur se consulte à la cote : 19800035/371/49861. Sur le projet de statue de Lazare, voir : ici.
Bertrand Tillier
Note de PO. Le projet demeura de statue de Lazare sans suite à la demande de la veuve de Lazare et sans doute pour ne pas faire double usage avec le monument Lazare, projet qu’avait lancé Pierre Quillard.